Yennayer : Origines, Signification et Traditions en Algérie

Yennayer : Une fête de la terre nourricière

La symbolique de Yennayer tourne autour de la nature et de ses cycles réguliers. Les Amazighs, dont le nom signifie « homme libre », sont profondément attachés à leur terre. Chaque geste, chaque rite, célèbre cette connexion essentielle.

La fête marque la fin de l’hiver et le début du printemps à venir. Elle invite à la réflexion sur le renouveau et la renaissance, tout en honorant les ancêtres et les traditions transmises au fil des siècles.


Qu’est-ce que Yennayer ?

Yennayer, le Nouvel an amazigh, est une fête traditionnelle célébrée chaque année autour du 12 janvier. Cette date marque le début de l’année selon le calendrier agraire utilisé depuis des siècles par les Imazighen, les peuples autochtones d’Afrique du Nord. Plus qu’un simple passage à la nouvelle année, Yennayer est une célébration du lien intime entre l’Homme et la nature, un hommage aux cycles de la terre et à la fertilité.

Origines de Yennayer

Le mot « Yennayer » trouve ses racines dans le terme latin « Ianuarius« , qui désigne le premier mois de l’année. Ce mot fait référence au dieu romain Janus, le dieu des portes, des seuils et des nouveaux commencements. En choisissant ce terme, les anciens ont voulu symboliser le passage entre l’ancien et le nouveau, le renouveau après les récoltes d’automne.

Le calendrier amazigh, quant à lui, a été officiellement établi à partir de l’an 950 avant J.-C., année où le roi berbère Sheshonq Ier a été intronisé pharaon d’Égypte. Ce point de départ marque une volonté de rattacher le calendrier à un événement historique majeur pour les Amazighs.

Signification de Yennayer

Yennayer symbolise le renouveau et l’espoir d’une année prospère. C’est une fête profondément ancrée dans les traditions agricoles. Elle célèbre la fin des labours et le début d’un nouveau cycle. En Algérie, Yennayer est reconnu officiellement depuis 2018 comme jour férié, preuve de son importance culturelle.

Au-delà de la symbolique agricole, Yennayer est une fête de partage et de transmission. C’est un moment où les familles se réunissent pour célébrer leurs liens avec la terre nourricière et perpétuer des traditions ancestrales.

Les traditions et rites liés à Yennayer en Algérie

Les festivités de Yennayer varient d’une région à l’autre, mais elles ont toutes en commun des rites symboliques qui célèbrent la vie, la prospérité et le lien avec la nature. Voici quelques traditions observées à travers le pays :

Préparer et embellir la maison

Avant l’arrivée de Yennayer, la maison devient le centre de toutes les attentions. Les maisons sont nettoyées de fond en comble, repeintes, décorées et ouvertes aux convives. On procède également au changement d’inyen (les pierres du kanoun – foyer du feu autour duquel la famille se réunit et où les repas sont préparés). La tradition veut que tout ouvrage commencé, tel que le tissage, soit terminé ce jour-là. Ces gestes symbolisent la volonté d’entamer la nouvelle année avec un foyer accueillant, harmonieux et prêt à accueillir l’abondance.

La première coupe de cheveux des enfants

L’un des rites les plus émouvants de Yennayer est la première coupe de cheveux d’un enfant de moins d’un an. Ce geste est souvent accompli par le membre le plus âgé de la famille. L’idée est que l’enfant bénéficie de la longévité de la personne qui coupe ses cheveux, symbolisant un souhait de vie longue et prospère.

La coupe peut être simple, se limitant à une petite mèche de cheveux, ou plus complète selon les traditions locales. C’est un moment de passage, marquant l’entrée de l’enfant dans la communauté.

Le sacrifice d’une volaille

Dans certaines régions, le sacrifice d’une volaille fait partie des rites de Yennayer. Ce geste symbolique est un souhait de prospérité et d’abondance pour l’année à venir. La volaille est ensuite cuisinée et partagée en famille.

Le repas de Yennayer

Les familles préparent un repas traditionnel copieux pour célébrer cette fête, marquée par des traditions culinaires variées selon les régions :

Région de l’Algérois :
  • Couscous au poulet ou à l’agneau : Un plat emblématique, souvent accompagné de légumes de saison, symbolisant l’abondance et le partage.
  • Rechta : Des pâtes traditionnelles servies avec une sauce blanche aux navets et au poulet.
Kabylie :
  • Couscous aux sept légumes : Riche en légumes de saisons et en légumes secs, pour augurer d’une année généreuse et clémente.
  • Couscous à la volaille : Du couscous agrémenté de la viande de la bête sacrifiée, souvent de la volaille, parfois mélangée à de la viande séchée (acedluh), en évitant évite des ingrédients épicés ou amers qui pourraient s’avérer d’un mauvais présage pour le reste de l’année, voire sécheresse et incendie des récoltes.
Aurès :
  • Cherchem : Un plat préparé à base d’un mélange de légumes secs : fèves, de pois chiche et de blé dur consommé pour célébrer Yennayer.
Oranie :

Il est de coutume dans cette région d’Algérie de préparer deux sortes de repas:

  • Le premier c’est leyla lberda (nuit froide) à base du blé tendre cuit à vapeur, de fèves et de pois chiches suivie de m’khalate, on l’appelle aussi trèze.
  • Le second jour, c’est leila el hamia (nuit chaude), où l’on sacrifie une volaille pour préparer un repas chaud, accompagné de reggag (feuilles de pâte fine) ou de cherchem
Gourara :
  • Taguella : Un pain cuit sous la cendre, accompagné de viande et de dattes, reflétant les traditions culinaires locales.

Ce repas est un moment de partage, où les générations se retrouvent autour de la table pour célébrer ensemble le passage à la nouvelle année.

Raconter des contes et des légendes

Dans certaines régions d’Algérie, une des plus connues est l’histoire de cette vieille femme (Tamãart ou Laâdjouza) qui, sortant un jour de soleil et croyant l’hiver passé, s’était moquée de lui. Elle se délectait. S’adressant à Yennayer, elle lui dit: «Yennayer mon ami, tu nous a quittés sans faire aucun mal», Yennayer furieux, demanda à Fourar, premier mois du printemps, de lui prêter deux jours pour se venger.
«Je t’en prie, Fourar mon ami, Prête-moi l’un de tes jours, Que je châtie la chèvre impudente, Et lui mette la tête dans le feu» Fourar lui prêta une journée.
Aussitôt le ciel se couvrit de nuages, tonnerre et éclairs éclatèrent, puis la grêle et la neige se mirent à tomber. Le vent de son côté brisait tous les arbres.

Alors la vieille, qui était restée dehors avec ses chèvres, fut transie de froid et mourut. Et selon d’autres versions, a transformé la femme en une statue de pierre. C’est à la suite de cela que le dernier jour de Yennayer est dit «l’emprunté».

Le mois de Fourar a un jour de moins que les autres mois. En somme, Yennayer, une tradition encore vivante de nos jours avec ses rites, ses douceurs et sa symbolique, incarne le passage d’une étape à une autre.

Jeter des plantes vertes sur les toits

Une autre tradition consiste à jeter des plantes vertes sur les toits des maisons. Ce geste symbolise l’espoir d’une année verdoyante et fertile. On retrouve cette pratique dans plusieurs régions d’Afrique du Nord, témoignant d’un lien profond entre les habitants et la nature qui les entoure.

Le port du masque et procession

Parmi les rites anciens associés à Yennayer, le port du masque est une tradition encore pratiquée dans certaines régions d’Afrique du Nord. À Béni Snous, dans les villages comme El Khmis et Ouled Moussa, on célèbre le rituel d’Ayrad, la figure du lion. Ce personnage masqué, accompagné de musique traditionnelle (ghaïta et bendir), défile de maison en maison pour demander des offrandes alimentaires. Cette procession festive transforme les rues en véritable théâtre de rue, où les habitants deviennent tour à tour acteurs et spectateurs.

En Kabylie, une figure masquée similaire, appelée Buɛfif (« le vertueux »), est honorée. Son masque est fabriqué à partir d’une courge évidée, ornée de fèves pour les dents et de poils d’animaux pour la barbe et les moustaches. Ce rituel est souvent accompli par des enfants, qui parcourent les rues pour collecter des dons en l’honneur de Buɛfif. Ces traditions masquées symbolisent la fertilité, l’abondance et le renouvellement, valeurs fondamentales des célébrations de Yennayer.

Les activités culturelles et artistiques autour de Yennayer

Yennayer est bien plus qu’une fête traditionnelle : c’est aussi un temps fort pour la promotion du patrimoine amazigh à travers une variété d’événements culturels et artistiques. Chaque année, des festivals, des expositions d’artisanat, et des rencontres thématiques sont organisés pour renforcer les liens communautaires et valoriser la richesse culturelle de cette célébration.

Le programme des festivités inclut des expositions de bijoux, de vêtements traditionnels, de livres et d’objets artisanaux, ainsi que des conférences, des pièces de théâtre et des concerts de musique. Ces manifestations festives participent à la réappropriation et à la transmission de cette tradition dans le contexte actuel, en la réinventant tout en préservant ses racines ancestrales.


Pourquoi célébrer Yennayer aujourd’hui ?

Yennayer est bien plus qu’une simple tradition. C’est un rappel des racines profondes des peuples amazighs et de leur lien avec la terre. En Algérie, cette fête est l’occasion de renforcer les liens familiaux et communautaires, de perpétuer un patrimoine riche et de transmettre aux jeunes générations l’importance de préserver la nature et ses cycles.

Pour les Algériens expatriés, Yennayer est une manière de rester connectés à leurs racines culturelles, tout en partageant cette richesse avec le reste du monde. La fête est aussi une invitation à découvrir la diversité culturelle algérienne à travers des plats, des chants, des danses et des histoires qui célèbrent la vie et le renouveau.

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